Le sujet est prioritaire, nous voulons mettre les moyens en face. À ce titre nous venons de mettre en ligne sur architectes.org une plateforme dédiée pour permettre aux étudiants en architecture et aux architectes de se lancer dans la transition écologique, ou d’aller plus avant ; pour y trouver des solutions concrètes ou pour les partager. Tout reste à faire. Nous avons plus de questions que de réponses. Il nous faut maintenant les trouver, collectivement. Nous avons voulu intégrer cette plateforme au site des architectes, juste après le Tableau et la rendre aussi visible que ce dernier ! Nous sommes dans un contexte favorable pour changer nos certitudes, nos habitudes, nos pratiques, nos savoir-faire. Changer quels architectes nous sommes.
Pourquoi ? Parce que nous n’avons pas le choix, et lorsque nous travaillons collectivement à une tâche, aussi grande soit-elle, notre capacité est immense. Comment puis-je croire que nous nous y mettrons tous ? Ne suis-je pas trop optimiste ? Je ne le crois pas, convaincu au contraire que celles et ceux qui essayeront de ne pas changer, n’auront bientôt plus de travail, malheureusement pour eux. Ils ne seront probablement plus inscrits au Tableau.
Donc, les architectes vont changer, quoi qu’il arrive. À certains, il faut commencer par expliquer que le dérèglement climatique et biologique est une réalité. L’humanité est une espèce envahissante en voie d’extinction. Notre masse sur la Terre a atteint 96 % de la masse totale des mammifères (WWF). Nous n’en avons plus pour longtemps, à l’échelle du monde. La plupart du vivant pourrait avoir disparu avant la fin de mon espérance de vie théorique.
Alors imaginez pour les plus jeunes… Puis, nous devons expliquer cette image de la grenouille dans l’eau de la casserole, qui va bientôt bouillir (merci Al Gore). Plutôt agréable, cette sensation d’eau chaude, avec des bulles. Pourtant, sa fin approche, mais elle ne s’en apercevra pas. Ensuite, nous pouvons parler d’alternatives, de solutions, à mettre en oeuvre immédiatement. La France a pris un engagement fort, la neutralité carbone d’ici 30 ans. Cela veut dire qu’il nous faut combiner deux actions : la baisse de notre production de gaz à effet de serre et l’augmentation de la captation du CO2, pour compenser nos productions restantes. Le premier objectif, celui de réduire nos productions, passe par une frugalité générale, une priorisation de la rénovation sur la construction, des objectifs de performance élevés, de meilleurs choix énergétiques en privilégiant les énergies renouvelables, de meilleurs choix de matériaux pour éviter ceux qui produisent des gaz à effet de serre… Pour le second objectif, celui de stocker du carbone, il va falloir nous souvenir de nos cours de biologie. La photosynthèse est la seule manière efficace pour retirer du carbone de l’atmosphère. Elle est le savoir-faire des coraux, des plantes, des arbres, etc. Cette photosynthèse n’est utile, à l’échelle du temps de notre problème, que si nous pouvons stocker sa production (l’arbre, la plante…), dans des conditions où elle ne repart pas dans l’atmosphère, ni par décomposition, ni par brûlage. L’échelle de temps qui nous serait utile n’est pas de l’ordre d’un ou dix ans, comme celle d’un objet ou d’un meuble à monter, mais plutôt celle du siècle. Celle du bâti. Et seulement du bâti.
D’où notre responsabilité. Alors, nous pouvons tous commencer par prescrire intelligemment, en intégrant les problématiques de santé, d’écologie, de biodiversité, etc.
Prenons le sujet de l’isolation : Prescrivons les isolants bio, issus de la photosynthèse, dans tous nos projets, de rénovation et de construction. Le chanvre, la fibre de bois, le lin, le liège, le coton, et d’autres. Ce n’est pas plus cher. En tout cas, pas significativement ; moins cher même pour certains projets, à confort équivalent et ce le sera pour tous si l’usage se généralise. Il est possible dès aujourd’hui dans tous les cas de ne poser que des isolants bio.
Parfois, quelques habitudes sont à changer. C’est un premier pas et il sera suivi par d’autres actions, bien sûr. N’attendons pas que des mesures nous soient imposées, prenons les devants, intelligemment. Ami.e.s architectes, j’en appelle à votre sens civique, à votre volonté de préserver l’intérêt général. En renforçant la demande d’isolants bio, vous provoquerez sans aucun doute une transformation des chaînes de production d’isolants. Supprimons le polyuréthane, le polystyrène, les laines minérales, de nos projets.
Nous connaissons leurs mauvais bilans écologiques, mais surtout ils ne stockent pas de CO2 comme les isolants bio. Je vous fais confiance. Je compte sur vous. Et si, pour avancer ensemble, nous nous fixions le calendrier suivant :
● Le 21 juin, jour de l’été, date limite pour les isolants en parois verticales, murs et cloisons, aux changements techniques faibles.
● Le 23 septembre, jour de l’automne, pour les isolants en parois horizontales, toitures et planchers, nécessitant parfois des anticipations techniques. N’attendez pas le dernier moment, contactez des spécialistes si besoin, changez vos détails et vos descriptifs. Le compte à rebours est lancé !
Julien VINCENT Conseiller national de l’Ordre des architectes. Rédacteur en chef des Cahiers de la profession.
1er Trimestre 2019